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Ombre et Lumiere
22 septembre 2006

SOS Infirmières

                Nous sommes dans une société d'irréalisation constante. Un théâtre de publicité autrorégulée, dont le slogan permanent est la performance dans tous les domaines. Tout le monde doit être beau, sportif, décideur, actif, positif, gagneur. Être fatigué, sceptique, rêveur est déjà un mauvais point dans votre dossier. Être malade est presque une honte. Une image n'a pas à douter d'elle-même, sauf dans un film sentimental. Dans la réalité c'est déjà une insubordination, une insolence. Le simple fait d'avoir un corps en trois dimensions est quasiment superflu. On doit paraître ou disparaître. La mort ? Quoi, la mort ? Quelqu'un était là et puis soudain, n'est plus là. On ne va pas en faire une affaire. D'ailleurs, les affaires n'attendent pas. Nous sommes pressés, un hôpital est une usine comme une autre. Autrefois, il paraît, la médecine était au service des êtres humains. Désormais, c'est le contraire. La douleur, les soins, l'agonie sont des péripéties industrielles qu'il importe de penser rationnellement, avec une économie. Qu'est-ce qu'une infirmière ? Un corps qui s'occupe de corps nouveaux, on peut techniquement en fabriquer à la chaîne. Donc, ne nous attardons pas indéfiniment sur ceux qui sont usés, usagés, en transit pour le néant et s'accrochent quand même à la vie.

                 Voilà ce qu'il y a dans la tête des responsables qui par définition, ne sont jamais coupables. C'est vrai : le système commande, les individus ne sont là que pour certifier qu'il fonctionnent. Mais les infirmières , elles, sont les prolétaires de la nouvelle inhumanité. Elles ne peuvent pas oublier les chairs, les respirations, les regards, les plaintes, les cris, le sang, le grand silence de la souffrance, la nuit. Elles sont débordées, pas assez nombreuses, sincères. Elles ne peuvent pas prendre une personne pour une image. Elles sont dans l'impossibilité de zapper. Lhôpital n'est pas un spectacle, et si vous voulez savoir ce qui se passe vraiment au fond des choses, vous n'avez qu'à y aller faire un tour. Il faut sans doute avoir une sensibilité à fleur de peau pour comprendre de l'intérieur l'enfer quotidien de la question. Les hommes politiques, les financiers, les professionnels de la communication, eux n'ont pas le temps d'y penser. Cela leur fait peur. La vie d'une infirmière n'est pas une information. Quoi, vous dites que la santé tombe en ruine dans un monde qui clame partout que la santé rayonne ? Peu importe, place aux figurants suivants !

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Commentaires
C
Six ans. Six. A pratiquer l'hôpital avec une enfant gravement malade. En août, dans le service pédiatrique de jour, trois infirmières pour assurer TOUT le service. La chef craque et s'effondre. Reste deux. <br /> <br /> Pas de sous pour l'hôpital. La colère m'avait inspiré ce post: http://sperenza.canalblog.com/archives/2006/08/26/2540590.html#comments<br /> <br /> Je partage ton avis sur le sujet. Notre beau système de santé pour tous est en train très insidieusement d'être vendu aux grand capital et pour nous faire croire qu'il n'y a pas d'autre solution on nous dit qu'il coûte trop cher, qu'il n'est pas performant, sûr etc. Et pour accélerer sa mort on lui coupe les vivres...
V
Le malade, une denrée qui nourrit l'hopital et dont s'émeut l'infirmière dans un système où elle joue le rôle de... prise de terre : toute décharge inoportune de sentiment est dérouté vers elle. <br /> Quand on est en salle de réveil et qu'on émerge, rien n'est alors plus beau que la voix et le visage d'une infirmière.
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